Dans la précédente sélection, on vous avait fait un petit florilège des meilleures vidéos de la période 1985-2004, soit l’adolescence turbulente de la scène locale angevine + la première décennie d’existence du Chabada. Depuis, le site s’est largement enrichi puisque nous dépassons désormais le millier de vidéos disponibles, et que la plus ancienne remonte (pour l’instant) à 1982. Merci à toutes celles et ceux qui ont déjà contribué. Il reste forcément des tas d’autres documents à déterrer des limbes d’Internet, à nous tous·tes, on y arrivera !
Pour cette nouvelle sélection, nous avons poursuivi sur notre lancée, avec la deuxième décennie d’existence du Chabada, soit la période 2005-2014. Le choix fut bien sûr cornélien car c’est au cours de cette décennie que les outils numériques deviennent abordables au plus grand nombre, et que de plus en plus de groupes deviennent donc capables de se bidouiller un clip digne de ce nom.
Voici donc dix vidéos (une par an, ou presque) qui nous semblent représentatives de ces années-là, même si des dizaines d’autres auraient bien sûr tout aussi bien pu faire le job (à vous d’aller les découvrir). C’est parti !!
Kalcha
Il y a celles et ceux qui connaissent aujourd’hui Vincent Loiseau aka Kwal comme slameur et conteur. Il y a également celles et ceux qui se souviennent de lui comme le chanteur charismatique du groupe de metal fusion Carc[h]arias au tournant du siècle dernier. Mais Kwal a aussi été un rappeur polyglotte et globe-trotter très engagé, dont certains titres connurent notamment un beau succès au Mali en 2005, comme ce “Ciwara” rappé en bambara, une des langues locales, et dont le clip tournait en boucle sur les télés maliennes. Ce morceau est tiré de l’album “Mogo Ya” qui invitait de nombreux artistes de cultures différentes, comme la chanteuse ivoirienne Dobet Gnahoré, que vous entendez sur le refrain de “Ciwara”.
En 2006, Zenzile a déjà sorti 4 albums et 4 maxis. Ils sont le groupe fer de lance du dub en France, avec les Lyonnais de High Tone et les Bordelais de Improvisators Dub. Mais il suffisait alors de compter le nombre de vestes floquées avec leur fameux bus dans le dos à la sortie du Donald’s Pub pour savoir qu’à Angers on avait peu de doute sur l’identité des véritables patrons parmi le trio de tête. Sur scène, Zenzile, ça a toujours été une expérience intense (et celui qui écrit ses lignes les a bien déjà vus plus de 30 fois). Ce fut aussi le cas cette année-là au festival Scopitone à Nantes, avec en guests de luxe la dub-poetess américaine Jamika au micro et l’ancien DJ de Soul Choc DJ Moon aux platines.
Nous sommes en 2007 après Jésus-Christ. Toutes les Mauges sont envahies par les groupes angevins. Toutes ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Macairois résiste encore et toujours à l’envahisseur… La petite commune de Saint-Macaire-en-Mauges a en effet toujours fait figure de village d’Astérix au vu de son étonnante vitalité musicale (ils devaient servir de la potion magique au Louisiana, le bar mythique de l’époque) : en plus du festival Les Z’Éclectiques qui y a germé, il y avait ainsi une bonne quinzaine de groupes qui formaient la scène macairoise au milieu des 90s, dont deux ambassadeurs connurent de belles carrières (inter)nationales : Namas Pamos et Ramsès. À la fin de Namas Pamos, plusieurs de ses membres montent le Santa Macairo Orkestar, et la grosse teuf electro-punk-yiddish était repartie pour une bonne décennie.
“On s’appelle Les Thugs, on vient d’Angers !” En 2008, plus grand monde n’imaginait pouvoir encore entendre cette phrase sur une scène puisque le groupe avait raccroché les crampons à l’entrée du 21ème siècle. L’impensable s’est pourtant produit, Les Thugs sont repartis sur les routes à l’invitation de leur ancien label américain Sub Pop (chez qui on trouvait aussi Nirvana, Mudhoney, L7, Soundgarden…) pour venir fêter les 20 ans du label à Seattle. Le groupe angevin en a profité pour faire quelques autres dates, dont une à Angers bien sûr, sur la scène de Jean Vilar comme à la grande époque. Les murs s’en souviennent encore…
En 2009, un autre groupe mythique d’Angers refaisait parler de lui. Même si Hint n’avait jamais officiellement annoncé la fin de l’aventure (le dernier album de matériel inédit datait de 1998, donc on pouvait quand même légitimement se poser la question…), le duo a pu traumatiser une nouvelle génération grâce à ses potes tourangeaux d’EZ3kiel qui ont proposé cette tournée commune et collaborative. Et le constat était indubitable : l’indus-noise-core des Angevins était toujours aussi puissant, explosif et avant-gardiste. Le duo remet le couvert cette année pour fêter lui aussi ses 30 ans et ils seront sur la scène du festival Levitation pour l’occasion. Culte !
En 2004, lors du 10ème anniversaire du Chabada, les groupes locaux avaient été invités à proposer un plateau collaboratif. Deux jeunes groupes de hip hop, L’Ambassade et Les 4 V, avaient alors décidé de croiser le mic. Ce fut le commencement d’une Nouvel R. Rapidement ce nouveau projet s’est retrouvé à jouer dans toutes les SMAC de France, qui avaient bien du mal à trouver des successeurs crédibles sur scène aux pionniers NTM, IAM and Co. Un titre issu du deuxième album de Nouvel R finit même par tomber dans le bureau de Kourtrajmé, le célèbre collectif de cinéastes alternatifs, qui propose alors au groupe de tourner un clip pour “Masta”. Le texte visionnaire de la chanson était déjà un sacré coup de boule, les images qui l’accompagneront ne laisseront personne indemne. 14 ans plus tard, c’est malheureusement toujours autant d’actualité.
Dans les années 2010, la scène rap angevine qui réussissait à exister se résumait peu ou prou à Kwal, Wadi et Nouvel R. Mais une nouvelle génération affutait ses rimes dans l’ombre. Notamment dans la cave du T’es Rock Coco, grâce aux soirées “Mind The Gap”, lancées par un jeune MC un peu lunaire qui se faisait appeler Pepso Stavinsky (vous le reverrez plus tard en mode malpoli dans Rezinsky, et surtout aujourd’hui dans des atours beaucoup plus pop sous le nom de Stav). Le bonhomme y organisait des concerts à la cool, avec ses potes rappeurs d’Angers ou de Rennes, qui ont largement participé à faire émerger toute une génération de nouveaux noms à Angers (Dajanem, Odor et d’autres…) et surtout à prouver au public et aux organisateurs·rices de concert qu’on pouvait faire des soirées hip hop sans que ça parte en quenouille. Le morceau au-dessus est la parfaite illustration de l’ambiance Peace, Love & Having Fun de ces soirées, enregistré avec Pepso, Dajanem et les Rennais de Micronologie, sur un beat parfait de RezO, dans les chiottes du T’es Rock… Mythique !
En 2012 sort l’album “Cinema El Mundo” de Lo’Jo, qui revenait aux fondamentaux après un “Cosmophono” qui avait un peu dérouté le public habituel des Angevins. Le disque, porté par le single “La Marseillaise en créole”, et aux invités prestigieux (Robert Wyatt, Vincent Ségal, Ibrahim Ag Alhabib de Tinariwen…), remettra logiquement le groupe sous tous les projecteurs internationaux (le magazine anglais Songlines consacre même Lo’Jo meilleur groupe de l’année). Le groupe, qui a fait plusieurs fois le tour du monde depuis les années 80, devrait sortir son douzième album à l’automne 2024. Autant vous dire que ça doit les faire doucement rigoler de nous voir nous affoler de souffler 30 bougies…
En 2009, à la surprise générale, le gros tube de l’année est signé par un groupe à moitié angevin : “Hey You” de Pony Pony Run Run. Et ce succès a décomplexé un paquet de groupes d’ici, se jetant les années suivantes la tête la première dans le chaudron electro-pop (quand jusqu’ici la culture locale était plutôt réputée dans l’underground que dans le mainstream). Malheureusement pour eux, les Misty Socks / The Dancers, Djak, The Lemon Queen ou autres I’m Fresh ! You’re Pretty ne connaîtront pas la même destinée que leurs aînés. Et c’est d’une injustice crasse quand on réécoute certains titres de cette époque, comme par exemple ce génial “On The Radio” de Djak qui avait tout pour devenir un tube intersidéral.
En 2013 avait lieu la première édition du festival Levitation au Chabada. Dans le public, pas mal de jeunes musien·nes en prennent plein les mirettes. Dans la foulée, plusieurs groupes à tendance(s) psychédélique(s) se forment donc : Eagles Gift, The Blind Suns, Death Gazer… et Sheraf. Ces derniers n’auront malheureusement sorti que deux EPs passés trop inaperçus, alors que leur mélange de garage psyché et de post-punk caverneux est LE son d’aujourd’hui. C’est ballot. Une moitié du groupe s’est ensuite recentrée sur les musiques traditionnelles américaines avec The Sheraf Brothers, tandis que l’autre inventait la spleen-wave avec VedeTT, d’où s’est ensuite échappé Nerlov.